il a neigé...
Le petit avançait dans la
neige, ses petits pieds tout gelés. Ses oreilles le brûlaient,
et il osait à peine bouger un autre membre que ses jambes. Il
avait oublié depuis combien de temps il le suivait, et
pourquoi il le suivait. Il savait juste que ce grand cherchait un
arbre. Et lui, il le suivait, comme un papillon de nuit attiré
par la lumière. Il jeta un coup d' œil vers lui; son écharpe
lui tombait sur le dos, et il n'émergeait de son manteau que
sa tête et ses grandes oreilles. On ne voyait même pas sa
bouche.
Le petit détourna le regard sur
le paysage. Le blanc s'étendait au loin autour d'eux, on avait
peine à distinguer le ciel de la plaine environnante. Les
arbres ployaient sous le poids de la neige dans leur feuillages. Les
traces que laissaient les deux compères dans le manteau
neigeux était le seul élément qui venait briser
la monotonie, l'immobilité, du décor.
Le petit sentait ses forces
l'abandonner, ses paupières ne lui avaient jamais paru aussi
lourdes. C'est alors que le grand se retourna, toujours avec la même
expression sur le visage. Il le regarda et pencha le tête sur
la gauche. Le petit s'était arrêté, interloqué,
et toujours sur le point de s'effondrer.
-Ça va? demanda le grand sans
ciller. Le petit, au prix d'un douloureux effort, leva la tête
et ouvrit les yeux.
-J'ai froid, je ne sais pas où
on va, je suis fatigué et je n'en peut plus! débita-t-il
comme si il n'avait plus parlé depuis des années.
-Mais c'est toi qui à choisi de
me suivre... Le petit resta immobile un instant, puis déglutit.
-Tu... tu veux que je parte?
demanda-t-il, affolé à l'idée de devoir marcher
seul dans la neige. Sans rien dire, le grand le saisit, le posa sur
ses épaules et repris sa marche.
-C'est mieux? s'enquit il.
-Oui...
Ils parcoururent ainsi de longue
distances, s'enfonçant toujours plus dans la forêt, mais
croisant toujours le même paysage morne. Le petit ne faisait
pas la différence entre les arbres, pour lui, tous se
ressemblaient, il étaient tous horriblement triste. Le grand
ne semblait pas s'en soucier; il ne regardait jamais autour de lui,
marchait comme si il empruntait ce chemin depuis des années
déjà. Ils arrivèrent bientôt dans une
clairière, qui s'ouvrait timidement à la noirceur du
ciel.
-C'est la nuit, dit le grand, on
devrait s'arrêter ici et dormir. Ce n'était même
pas une question, le petit savait qu'il fallait s'arrêter. Il
s'installèrent, sans bruit, l'un contre l'autre, pour se tenir
chaud. Le grand ne parlait que rarement, et le petit était
bien trop épuisé pour laisser libre court à son
abondante élocution. Ils s'endormirent ainsi, éclairé
par une lune pâle.
Le lendemain, ce fut le grand qui le
réveilla. Le ciel avait repris sa couleur blanche immaculé
si ennuyeuse. Et le petit rechigna à se lever. « Je
te reprend sur mes épaules? » demanda le grand, qui
le saisi sans attendre sa réponse. Le petit ne se sentait pas
du tout mieux. Il avait pensé qu'une nuit de sommeil le
revigorerait, mais même l'épais manteau du grand ne
l'avait pas empêché de sentir la morsure du froid
nocturne et l'humidité. À bout de force, et maintenant
grognon, le petit se laissa mener par son compagnon sans poser de
question.
Ce dernier ne se souciait d'ailleurs
pas non plus du petit. Il se contentait d'avancer, sûr de son
chemin. Parfois même, le petit devait s'exercer en acrobatie
pour ne pas percuter violemment des branches qui passaient par là.
Au terme d'une longue et fastidieuse
marche, plus pour le petit, impatient et énervé, que
pour le grand, toujours aussi contenu, il s'arrêtèrent.
Le grand fixait devant lui un rideau de feuillages qui pendait des
saules pleureurs, plantés le long d'un maigre cour d'eau.
-On est arrivé, dit il
simplement.
-Quoi... ici? questionna le petit.
C'est pas possible, il y a rien ici, rien que les même arbres,
le même ciel, la même neige, rien que tout ces truc
blancs, rien que ça! cria-t-il hors de lui. Il écumait,
il avait l'impression d'avoir perdu son temps pour rien. La prochaine
fois, rappelle moi de ne pas te suivre!
Mais le grand tendis le bras, et
montra les saules, insistant. Le petit le regarda sceptiquement, puis
se résolut, de mauvaise foi, à regarder au delà.
Il se glissa, de par sa petite taille, sous les arbres, et déboucha
juste au bord du ruisseau.
-Tout est blanc, même l'eau est
blanche, tout est comme ailleurs ici, fulmina-t-il, les larmes au
yeux. Il leva la tête et ce qu'il vit alors de l'autre coté
le marqua à jamais.
Sur une colline, se tenait un arbre,
un unique arbre. Ses branches supportait autant de feuilles, grises,
marrons, noisettes, jaunis, que de neige. Les rainures de son tronc
traçaient d'harmonieuses courbes noir et grises. Son ombre
portait sur le flanc de la colline, et touchait le bord du ruisseau.
L'eau était translucide et laissait apparaître le fond
vaseux, offrant une toute palette de verts sombres. Autour de lui,
les feuilles des saules offrait le spectacle de milles teinte de
marrons qui pendaient au dessus de l'onde, et qui gouttaient de temps
en temps, brisant ainsi sa surface lisse. Même la neige offrait
un spectacle étonnant. Jamais le petit n'aurai pus se douter
qu'il puisse y avoir autant de variation dans le blanc. Chaque creux,
la moindre empreinte dans la neige, offrait une couleurs d'ombre
différente. Derrière ce paysage brillait un astre d'un
jaune faiblard, mais qui parut pour le petit aussi lumineux qu'un feu
d'artifice.
-C'est magnifique... dit il, tout en
continuant de pleurer.
-Ce n'est que l'hiver... répondit
le grand, qui s'était avancé à sa hauteur, et
dont la tête chatouillait les branches.
-L'hiver...? Je n'ai jamais rien vu de
plus beau...